Perspectives marché

1 marque sur 5 a lancé son programme de revente : qu'est-ce qui bloque les autres ?

December 11, 2025
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5 min de lecture

Alors que la consommation ralentit, que la pression réglementaire s'intensifie et que les stocks s'accumulent, la seconde main s'impose de plus en plus comme un levier stratégique de protection des marges et de création de valeur.

Pourtant, malgré ces pressions convergentes, peu de marques passent à l'action.

Pour comprendre pourquoi, nous examinerons d'abord les quatre idées reçues qui continuent de freiner les maisons de mode dans l'adoption de la revente (I), avant de présenter les leviers opérationnels et économiques qui font de la revente une opportunité de croissance scalable pour les early adopters (II).

I. Les 4 idées reçues qui freinent l'adoption de la revente

  1. Un potentiel économique encore mal compris
  2. Certaines marques restent bloquées sur le mythe de la cannibalisation
  3. Les défis d'infrastructure sont surestimés
  4. Des barrières culturelles, politiques et psychologiques persistantes

II. Les 4 enseignements clés partagés par les marques qui ont déjà industrialisé leur stratégie de revente

  1. Elles ont gagné de nouveaux clients en intégrant l'écosystème digital et CRM
  2. Elles ont industrialisé les opérations de reprise, reconditionnement et mise en ligne
  3. Elles pilotent la performance avec des indicateurs de marge et de rotation
  4. Une vision anticipée des évolutions réglementaires et industrielles à venir
  5. Un manque de gouvernance que seul le CDO peut combler

La majorité des marques n'ont toujours pas déployé leur programme de reprise/revente et voici ce qui les bloque :

I. Les 4 idées reçues qui freinent l'adoption de la revente

1. Un potentiel économique encore mal compris

Beaucoup de marques voient encore la seconde main comme un centre de coûts, couvrant la logistique, le tri, le reconditionnement et le service client, plutôt que comme une source de marge. Pourtant, en réalité :

  • 60 % de Customer Lifetime Value (LTV) en plus parmi les clients qui utilisent le service de reprise.
  • 90 % de taux d'écoulement sur les articles repris, générant 5 à 10 % de revenus additionnels issus de la revente.
  • Jusqu'à 10 points de pourcentage de marge nette supplémentaire par commande lorsque la revente est gérée directement par la marque.

La rentabilité est réelle, mais souvent mal mesurée. Tant que la revente n'est pas pleinement intégrée dans le P&L global, elle reste perçue comme une activité périphérique plutôt qu'une ligne de business à part entière.

2. Certaines marques restent bloquées sur le mythe de la cannibalisation

La peur que la seconde main cannibalise les ventes de produits neufs est l'objection la plus fréquente, mais les données montrent l'inverse :

  • 95 % des clients qui revendent un article à la marque achètent immédiatement un produit neuf en utilisant leur bon d'achat.
  • 50 % de panier moyen en plus est généré par chaque commande liée à un bon d'achat.
  • 70 % des acheteurs de seconde main sont de nouveaux clients, généralement plus jeunes et plus sensibles au prix, qui n'auraient peut-être jamais acheté au prix plein.

La revente élargit la base client et stimule les nouvelles ventes plutôt que de les cannibaliser. Le véritable risque est de laisser les marketplaces capter la valeur et la relation client, chaque article vendu en dehors de l'écosystème de la marque représente une marge perdue.

3. Les défis d'infrastructure sont surestimés

De nombreuses marques supposent que mettre en œuvre une solution de revente est complexe, mais les acteurs leaders ont montré que cela peut être simplifié. En intégrant des plateformes de revente spécialisées, ils automatisent les processus clés ; authentification des produits, reconditionnement, pricing et mise en ligne. Cette approche industrialisée réduit les erreurs, transformant la revente en une ligne de business rentable, tout en préservant la qualité des produits et la réputation de la marque.

4. Des barrières culturelles et psychologiques persistantes

L'industrie reste attachée à la valeur symbolique de la nouveauté. Pourtant, les consommateurs racontent une tout autre histoire : le marché de la seconde main devrait atteindre 360 milliards de dollars d'ici 2030, avec une croissance trois fois plus rapide que les produits neufs.

Il y a un fort basculement générationnel que seulement 20 % des marques ont compris. Aujourd'hui, les clients recherchent de l'histoire, du sens et de la traçabilité, pas seulement de la "nouveauté".

En s'accrochant à des présupposés dépassés, beaucoup de marques ont cessé d'écouter ce que leurs propres clients expriment clairement.

II. Les 4 enseignements clés partagés par les marques qui ont déjà industrialisé leur stratégie de revente

1. Une intégration complète dans leur écosystème digital et CRM

Ces marques ont intégré la revente directement dans leurs parcours e-commerce, leurs workflows CRM et leurs stratégies de fidélité. En exploitant le CRM, elles ne se contentent pas de fidéliser leurs clients existants, mais capturent également de nouveaux publics plus jeunes, transformant la revente en un puissant moteur d'acquisition client intégré de manière fluide dans leur expérience de marque globale.

2. Des opérations externalisées et industrialisées

De la reprise au tri, reconditionnement et mise en ligne, chaque étape est standardisée et automatisée. Les marques leaders ont choisi des solutions technologiques, logistiques et d'infrastructure externalisées, simples à utiliser et faciles à mettre en œuvre, permettant un déploiement rapide. Le résultat est une opération de revente scalable, prévisible et rentable, sans la complexité de construire des systèmes en interne.

3. Maîtriser le marketing de la revente et les KPIs pour capter les clients plus jeunes

Les marques pionnières ne se contentent pas de suivre la revente via des indicateurs financiers, elles savent comment la marketer efficacement. En positionnant la revente comme un élément central de leur récit de marque et de leur expérience client, elles touchent une base de clients plus jeune et en expansion, que les canaux traditionnels peinent à convertir. Leur stratégie marketing et communication est construite pour durer, leur permettant de rester pertinentes, de s'adapter aux attentes changeantes et de transformer la revente en un levier de croissance durable.

4. Une compréhension prospective d'un tournant réglementaire et industriel inévitable

Ces marques ont anticipé le virage majeur que l'Europe est en train de prendre vers la traçabilité et la circularité. Avec la CSRD, le Passeport Produit Digital et la loi AGEC, la conformité ne reposera plus sur des déclarations, elle nécessitera des preuves opérationnelles. Les programmes de reprise et de revente fournissent exactement cela, tout en créant une valeur économique mesurable. Dans les années à venir, la performance d'une marque sera jugée autant sur sa capacité à faire circuler ses produits que sur sa capacité à en vendre de nouveaux.

Cette transition, d'un projet symbolique à un modèle géré numériquement et mesurable, transforme la circularité en levier concurrentiel. La revente n'est plus seulement un sujet de communication, c'est une stratégie business. Ce n'est plus seulement une question de RSE, mais une stratégie digitale. Dans trois ans, la différence entre les marques qui ont pris le virage et celles qui l'ont manqué ne se mesurera plus à leur réputation, mais à la part de revenus générée par la revente intégrée. Les marques de mode qui maîtrisent la boucle seront non seulement plus durables, mais aussi plus profitables.

5. Un manque de gouvernance que seul le CDO peut combler

Un programme de revente se situe à l'intersection du retail, du digital, de la logistique, du CRM et de la durabilité. Sans sponsor clairement identifié, il reste sans véritable propriétaire, et peine à dépasser le stade du pilote.

Pourtant, le Chief Digital Officer est le seul cadre dirigeant disposant de l'ensemble des leviers nécessaires pour transformer la revente en une ligne de business scalable et rentable :

  • La Data, pour mesurer la performance produits et clients ;
  • L'E-commerce, pour intégrer la revente de manière fluide dans le parcours client ;
  • La Technologie, pour orchestrer les partenaires logistiques et assurer une intégration système sans friction.

Sans gouvernance claire, la revente reste un projet annexe.

Mais lorsque le CDO en prend la responsabilité, elle devient un pilier central de la stratégie digitale, mesurable, opérationnalisée et capable de générer un nouveau flux de revenus.

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