Perspectives marché

Cartographie d’un marché à 26 milliards d’euros : la seconde main passe à l’échelle

July 8, 2025
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6 min de lecture

En 2024, le marché européen de la seconde main atteint 15,9 milliards d’euros. Il en pèsera 26 d’ici 2030, selon l’étude KPMG pour la Fédération de la Mode Circulaire. Une croissance annuelle de 8,5 %, bien plus rapide que celle du neuf.

Ces chiffres ne signalent pas une simple tendance. Ils dessinent une bascule structurelle. Et avec elle, ce sont les usages, les modèles et les rôles des marques qui se redéfinissent.

D’un bon plan à un réflexe quotidien

Si la seconde main a gagné autant de terrain, c’est d’abord parce qu’elle permet d’acheter moins cher. Le prix a toujours été le premier moteur, bien avant l’engagement écologique. Mais ce qui change aujourd’hui, c’est qu’elle n’est plus perçue comme un choix par défaut ou un renoncement. Pour des millions d’Européens, c’est devenu un réflexe assumé : une manière concrète de consommer autrement, sans sacrifier le style.

Les plateformes entre particuliers ont ouvert la voie en démocratisant cette pratique. Désormais, les marques sont attendues sur un terrain plus exigeant : des expériences qualitatives, intégrées, alignées à leur univers.

La France en éclaireur, mais pour combien de temps ?

Avec 4,1 milliards d’euros en 2024, la France représente 26 % du marché européen. Un leadership porté par un triptyque favorable :

-un cadre réglementaire structurant (loi AGEC, bonus réparation),

-une culture de la mode sensible aux récits durables,

-et des marques pionnières (Sandro, Ami Paris, Lacoste, Maje , Soeur…).

Mais cette avance est fragile. D’autres marchés accélèrent, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, avec des investissements massifs sur la data produit et la logistique circulaire.

« Ce qui freine certaines marques, ce n’est pas le manque de volonté, mais la crainte d’ajouter de la complexité à leur modèle sans garantie de rentabilité, surtout dans un contexte économique tendu. Pourtant, lorsqu’il est bien structuré, un programme de seconde main devient un véritable levier de croissance rentable. »

— Aymeric Dechin, Faume

Une distribution en recomposition

Aujourd’hui encore, la majorité des volumes passe par la revente entre particuliers. Ces plateformes, plébiscitées par les consommateurs, ont démocratisé la seconde main à grande échelle. Mais si elles séduisent par leur simplicité et leur prix, elles échappent en grande partie aux marques : peu de contrôle sur l’expérience, peu de liens avec l’univers de la maison, peu de fidélisations directes.

En parallèle, d’autres modèles émergent : reprise, reconditionnement, revente orchestrée par les enseignes elles-mêmes. Ces circuits hybrides ne cherchent pas à remplacer les plateformes C2C, mais à proposer une alternative plus qualitative et maîtrisée. Ils s’intègrent au CRM, s’alignent sur le positionnement, génèrent des données actionnables et renforcent la relation client.

Derrière les flux, une mine d’insights

En 2023, près de 63 500 tonnes de vêtements ont été revendues en France, tous circuits confondus. Un Français sur trois a acheté au moins une pièce en seconde main.

Pour les marques, ces flux ne sont pas anecdotiques. Ils révèlent des signaux précieux : la marge bénéficiaire moyenne par article reconditionné, la valeur de revente selon la typologie de produit, ou encore le taux d’usure constaté qui permet d’affiner la qualité des prochaines collections.

Ces données ouvrent aussi de nouvelles perspectives relationnelles : approfondir la connaissance client, mesurer la récurrence d’achat circulaire, maintenir le lien après la revente. Autant d’insights activables pour mieux segmenter, optimiser l’offre et prolonger la durée de vie de la relation commerciale.

Un nouveau terrain de performance

Ces données ne restent pas théoriques. Elles nourrissent des leviers opérationnels mesurables : baisse des coûts d’acquisition marketing, augmentation de la fidélisation client  grâce aux bons d’achat, rajeunissement de l’audience.
La seconde main bien structurée contribue aussi à sécuriser les ventes en prix plein : le bon d’achat incite au réachat sans recourir aux remises, limitant la dépendance aux soldes qui fragilisent la marge.
Elle permet d’anticiper les besoins de stock, d’optimiser les cycles de vie produit et de maintenir un lien actif avec des clients qui auraient pu s’éloigner.
Loin de fragmenter la stratégie, elle renforce la dynamique commerciale et la fidélité.

Des standards en mutation

À mesure que le marché progresse, les attentes montent : qualité, traçabilité, UX. Ce qui suffisait hier ne suffit plus. Les marques qui veulent s’imposer sur ce terrain doivent proposer une circularité fluide, exigeante, à la hauteur du neuf.

C’est cette montée en gamme, dans les process comme dans l’expérience, qui leur permet de reprendre la main.

Vers une nouvelle logique de valeur

Ce que montrent les leaders, c’est qu’un produit ne vaut plus uniquement par sa première vie. Il devient un actif circulant. Chaque revente est un point de contact. Chaque cycle de vie renforce la rentabilité, mais aussi le lien avec la communauté.

La seconde main, ce n’est pas une marge complémentaire. C’est une trajectoire de valeur. Et c’est là que se joue la nouvelle économie de la mode.

Elle est déjà en mouvement. La question n’est plus de savoir si elle va s’imposer. Mais qui en prendra la tête.

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