Perspectives marché

Mode : quand l’IA redonne vie aux photos à plat des catalogues

September 15, 2025
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4 min de lecture

Les marques de mode misent sur l’intelligence artificielle pour transformer de simples photos à plat en images de vêtements portés. Un enjeu crucial pour le marché de la seconde main, confronté à la perte d’archives visuelles et à la nécessité de rassurer l’acheteur.

L’image, nerf de la guerre du e-commerce

Dans l’e-commerce de mode, l’image vaut souvent autant que le produit. Or, dans le cadre de la seconde main, un problème persiste : les photos portées issues des anciens catalogues ne sont généralement pas conservées. Lorsqu’une pièce revient sur le marché, il ne reste le plus souvent qu’un visuel pris sur cintre ou posé à plat. Ces clichés, peu engageants, privent l’acheteur d’éléments essentiels sur la coupe, le tombé ou la matière. Résultat : un frein à l’acte d’achat, alors même que la revente est en plein essor.

Le marché mondial de la seconde main est estimé à 200 milliards de dollars à l’horizon 2030 (selon ThredUp), soit une croissance deux fois plus rapide que celle du neuf. Mais sa rentabilité dépend largement de la capacité des marques à valoriser visuellement leurs produits.

Transformer un packshot en visuel porté

Les solutions d’intelligence artificielle dites d’“on-model generation” promettent d’y répondre. Le principe : à partir d’une photo à plat ou sur cintre, l’algorithme reconstitue le vêtement et le projette sur un mannequin virtuel.

La technologie repose sur trois étapes :

  1. Segmentation du vêtement et correction des imperfections.

  2. Reconstruction de la forme et adaptation à une morphologie.

  3. Rendu final, avec choix du mannequin (carnation, taille, style) et harmonisation graphique.

Pour les marques, le bénéfice est double : homogénéiser des catalogues hétérogènes et réduire le recours à des shootings coûteux. Certaines plateformes évoquent une baisse de 75 % des coûts de production et un temps de mise en ligne divisé par cinq.

Un écosystème en pleine ébullition

Plusieurs start-up se sont engouffrées dans cette niche technologique :

-Botika (Israël) propose de transformer directement des photos à plat en images portées, avec une bibliothèque de mannequins virtuels.

-Vue.ai (États-Unis) s’adresse aux distributeurs avec des workflows complets d’automatisation.

-ZMO.ai (Chine) et Huhu.ai misent sur le traitement de volumes massifs, via des interfaces simples et des API.

-Veesual (France) privilégie l’expérience client en permettant de “changer de mannequin” sur la fiche produit.

-Lalaland.ai (Pays-Bas) collabore avec Levi’s pour accroître la diversité des mannequins représentés.

Les grands distributeurs commencent à déployer à grande échelle. Zalando indique que près de 70 % de ses visuels récents ont été produits grâce à l’IA. H&M a testé des mannequins virtuels dans ses campagnes, tandis que Levi’s explore l’usage de mannequins générés par IA pour renforcer la représentativité de ses collections.

Un levier stratégique pour la seconde main

Au-delà du gain de productivité, l’impact sur l’expérience d’achat est mesurable. Selon une étude citée par Veesual, la probabilité d’ajout au panier peut doubler lorsque le consommateur visualise le produit porté. Dans le cas de la seconde main, où la réassurance joue un rôle déterminant, l’effet est amplifié.

L’IA offre également une réponse à un problème structurel : la perte des archives iconographiques. En permettant de “réanimer” des collections passées, elle donne une nouvelle valeur commerciale à des milliers de pièces qui, autrement, resteraient cantonnées à des visuels peu attractifs.

Limites et questions ouvertes

La technologie n’est toutefois pas sans risques. Trois points d’attention s’imposent :

-Exactitude du rendu : une couleur modifiée ou une coupe réinterprétée peuvent générer de la déception et accroître les retours.

-Diversité artificielle : l’usage de mannequins virtuels plus inclusifs peut être perçu comme une réponse cosmétique si les campagnes “réelles” ne reflètent pas la même diversité.

-Régulation et transparence : la Commission européenne réfléchit à encadrer l’étiquetage des contenus générés par IA. Les marques devront décider si elles indiquent explicitement qu’un visuel est artificiel.

Vers un futur standard de la mode circulaire ?

L’essor de la seconde main pousse les marques à revoir leur organisation et leurs outils. L’intégration de l’IA dans la chaîne iconographique pourrait devenir, dans les prochaines années, un standard aussi incontournable que le shooting e-commerce l’a été dans les années 2000.

En réconciliant archives et exigences contemporaines de l’e-commerce, ces technologies apportent une réponse pragmatique à un marché en pleine mutation : comment vendre plus vite, à moindre coût, tout en rassurant l’acheteur.

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